Le cahier de Camille
Chapitre 5 |
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Remerciements et avertissement
Merci à Camille Destouches sans qui les origines, les impressions, les souvenirs retracés tout au long de ce recueil nous laisseraient dans l'ignorance sur la vie et le destin de nos ancêtres Merci à Dominique, Géraldine et Philippe Parasote-Millet dont l'apport a été considérable pour que le document source puisse donné naissance à ce récit mis à disposition du site de Chaumussay qui peut ainsi retrouver la vie des siècles derniers. |
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Chapitre 5- La Raterie « L'aînée des filles s'appelait Louise. Je n'ai connu cette grande tante qu'à un âge assez avancé. Elle est morte à 92 ans, sans avoir jamais été malade. Tante Louise avait dû être plutôt jolie dans sa jeunesse. Grande, mince, visage ovale, qui gardait encore toute sa fraîcheur sous les rides, cheveux gris soigneusement tirés, sous le bonnet tuyauté, yeux bleus très doux et malicieux, elle était restée active et d'une méticuleuse propreté. Ayant épousé sur le tard l'oncle Tenno, alors domestique au château de Boussay, le ménage n'eut pas d'enfants. Après avoir, au cours de longues années de service au château, acquit un petit pécule, les époux Tenno se retirèrent à la Raterie, village dépendant de Boussay et situé sur la route de Preuilly. Je vois toujours leur habitation, composée d'un rez-de-chaussée, donnant sur une cour, autour de laquelle groupaient le cellier, l'étable, la grange et le hangar. Une barrière de clôture donnait accès au jardin, situé derrière la maison. Mon grand oncle était riche d'un âne, au moyen duquel il exploitait son 'petit bien', expression régionale qui désigne la propriété rurale. La tante, comme il se doit, avait deux ou trois chèvres et une demi douzaine de brebis, gardées par un chien. L'oncle et la tante avaient en mon père une confiance illimitée, que ce dernier méritait pleinement. Ceci explique pourquoi, étant enfant, je fis de fréquentes visites à la Raterie. Ce hameau, situé sur une éminence, dominait toute la campagne environnante, ayant vue sur Preuilly et son ancien château fort et de l'autre côté, sur Boussay, qui se blottissait derrière les arbres centenaires de son château renaissance. Un seul puits de quelques 35 mètres de profondeur, alimentait le village. L'intérieur des époux Tenno était modeste, propret, simple, avenant, composé de deux pièces : la première, salle commune, la seconde, chambre de réserve. Par deux marches en granit, l'on accédait à l'habitation. Une porte pleine, formée de deux vantaux, coupés à mi-hauteur, ainsi que cela se pratiquait alors, permettait d'aérer la pièce, sans que les animaux de basse cour s'introduisissent à l'intérieur. Ce qui n'empêchait pas les poules de voler sur le vantail du bas, quand le haut était ouvert. Mais, le chien faisait bonne garde. Une grande pièce carrelée, éclairée par une fenêtre donnait sur la cour, vous accueillait. Devant la fenêtre, une pierre d'évier en granit portait le seau d'eau et une cruche, l'âtre, large et haute cheminée au bout de laquelle pendait la crémaillère, qui supportait la marmite de laquelle s'échappait un appétissant fumet de bonne soupe aux choux. A droite et en face, un buffet rustique, en cerisier, bien astiqué, aux ferrures brillantes, était surmonté de son dressoir, aux rayons duquel, plats et assiettes, en vieux Gien et vieux Rouen, exposaient leurs dessins naïfs et diversement coloriés. Au fond et à gauche, le lit, haut perché sur sa paillasse, et surmonté de son énorme baldaquin, autour duquel étaient accrochés les rideaux de cretonne lie de vin. Ces rideaux, les soirs d'hiver, étaient soigneusement tirés, pour protéger les dormeurs du froid qui descendait par la cheminée. Dans l'espace libre, au centre de la pièce, une table ronde avec quelques chaises autour. Cet intérieur rustique était avenant, plaisant, parce que toujours propre, net, frotté, luisant et son extrême simplicité était un attrait de plus à ajouter à son charme campagnard. Les jours ou nous y allions, mon père, mon frère et moi, étaient jours de grande réception. Aussi, mettions-nous les petits plats dans les grands. Après la soupe aux choux, venaient les légumes extraits de la marmite. Puis, c'était la traditionnelle omelette. Parfaite, d'ailleurs ! Cuite dans la poêle, au feu clair et flambant d'une javelle de sarments, bien baveuse, agrémenté de quelques petits lardons, c'était un régal. Pendant ce temps, son pichet de faïence à la main l'oncle se déplaçait du cellier à la table et les rasades étaient fréquentes. Jamais un verre ne restait vide. Enfin, cérémonie des grandes circonstances, la tante apportait le café, que l'on servait dans des verres à vin. Ce café c'était tout un poème. Dans la bouilloire en terre, placée sur les cendres, devant le feu, mijotaient, depuis une demi heure, les deux sous de café, conservés depuis des mois, en prévision d'une réception de grand style. Le liquide était peu teinté, son arôme assez mince. Mais, comme il était servi bien chaud et que, sur la table la bouteille de marc suppléait à l'arôme absent, chacun s'estimait satisfait. Puis, il fallait ne voir que l'intention et le cur qui présidaient à ces modestes agapes. La façon de donner vaut mieux que ce l'on donne. » (à suivre) |
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